Une agence très secrète espionne et arrête des citoyens américains en Russie

Ce service de contre-espionnage russe est aujourd’hui la "force de sécurité la plus élitiste du Kremlin". 

Evan Gershkovich, journaliste américain pour le quotidien The Wall Street Journal, dénonce avec ses confrères “la plus grande vague de répression depuis la disparition de Joseph Staline”. Et c’est cette unité très secrète du Service fédéral de sécurité russe, à savoir le Département des opérations de contre-espionnage (DKRO), qui serait le fer de lance de ce mouvement répressif de grande ampleur. 

L'héritier du Smersh

En 2024, après avoir été emprisonné pendant 16 mois en Russie, Evan Gershkovich avait été condamné à 16 ans de détention pour espionnage. A peine quelques jours après le verdict, il avait finalement été libéré dans le cadre d’un échange de prisonniers entre Washington et Moscou, renseigne le média Korii. En fait, le journaliste avait été la cible du DKRO, dont le lieutenant général Dmitri Minaïev a pris la tête. Dans une enquête qu’il a coécrite avec trois autres de ses collègues du Wall Street Journal, Gershkovich révèle que le DKRO est l'héritier du Smersh, le service de contre-espionnage militaire stalinien qui œuvrait durant la Seconde Guerre mondiale.

“Bien qu'il ne compte qu'environ 2.000 agents, selon des responsables américains et européens, le DKRO est la force de sécurité la plus élitiste du Kremlin”. “Il a le pouvoir de contraindre des centaines de milliers de personnes réparties dans toute la Russie à surveiller, intimider ou arrêter les étrangers et les Russes qu'il soupçonne de collaborer avec eux. Les agents du DKRO sont généreusement payés, même selon les normes du puissant et tentaculaire Service fédéral de sécurité, dont il fait partie. […] D'après les responsables américains et européens, aucun officier du DKRO n'est connu pour avoir fait défection vers l'Ouest”, écrivent les journalistes du WSJ. 

Des leviers de négociations

C’est le DKRO qui a, par exemple, participé à la grande purge du ministère de la Défense souhaitée par le président russe, après l'échec de son "opération spéciale" à Kiev, qui était censé conduire les forces russes dans la capitale ukrainienne en seulement trois jours. La "diplomatie des otages" : voilà le principal point d’attention du DKRO qui a organisé une vaste campagne d'arrestations de plusieurs citoyens américains, parmi lesquels l’ancien marine Paul Whelan, la basketteuse Brittney Griner, Evan Gershkovich… Le but étant d’utiliser ces otages comme des leviers de négociations pour obtenir la libération de l'assassin Vadim Krassikov, précise Korii. 

Et ce n’est pas tout puisque cette unité secrète procède également à des tentatives d’intimidation, à du harcèlement ciblé sur les diplomates occidentaux basés en Russie. Elle est capable de faire pression sur des lycéens russes, étudiant au lycée de l'ambassade des États-Unis à Moscou, afin de les amener à espionner leurs camarades de classe, filles et fils de diplomates américains.

(Manon Pierre - Source : Korii/Slates - Illustration : ©Unsplash)