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Né un 7 juin : Johnny Clegg, le Zoulou blanc

parStéphane Soupart
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07 Jun 2025 11h30
Johnny Clegg
© Etienne Tordoir

Champion toutes catégories du métissage et chantre de l’anti-apartheud,c’est pourtant en Angleterre que Johnny Clegg voit le jour en 1953. Il est pourtant de nationalité sud-africaine et donc aux premières loges pour défendre les droits de ses compatriotes noirs

Chanteur, danseur et même diplômé en anthropologie, Johnny Clegg est réellement quelqu'un d'unique ! Né près de Manchester en Angleterre, il passe son enfance au Zimbabwe dans la famille de sa mère. Ensuite, il émigre avec elle vers l'Afrique du Sud à l’âge de six ans. Par sa musique -mélange de styles occidentaux et africains- ainsi que pour ses positions inflexibles face à l'apartheid. îsur son album "Cruel Crazy Beautiful World" (1989) exige ainsi une égalité encore illusoire à l’époque. Le "Zoulou blanc" comme on l’a rapidement surnommé force le respect même de ses détracteur les plus farouches. Ayant appris le Ndébélé  (dialecte de cette ethnie minoritaire au pays de Nelson Mandela) avant êeme de baragouiner quoi que ce soit en Anglais, encouragé par son père -journaliste sud-africain blanc favorable aux thèses des leaders noirs- et de sa mère -chanteuse de cabaret puis chef de service pour la multinationale du disque CBS en Afrique du Sud- il développe très tôt un intérêt pour les différentes facettes de la musique de son pays adoptif.

 A quatorze ans, il commence à apprendre la guitare et rencontre un musicien zoulou, homme à tout faire, qui joue dans les rues entre deux appartements à récurer de fond en comble. Il s'appelait Mntonganazo Mzila. Grâce à lui, Johnny Clegg apprend les bases de la musique zoulou et de la danse Inhlangwini. Arrêté plus d'une fois par la police sud-africaine pour s’être introduit illégalement dans les ghettos noirs, Clegg passera de longues nuits au poste à s'interroger sur ce régime qui empêche les blancs de côtoyer les noirs. En jouant lui aussi dans les rues, il se lie ensuite d'amitié avec Sipho McHunu, un travailleur zoulou immigré avec lequel il a ensuite collaboré pendant des années.

 Finalement gradué en anthropologie sociale, il abandonnera rapidement ses conférences à l'université du Natal pour opter définitvement, en 1982, pour la musique. Avec Juluka, son premier groupe, il enregistre pas moins de sept albums qui se vendront tant dans les communautés noires que dans les milieux blancs progressistes. C'est de cette époque (82) que date la chanson î qui deviendra son premier succès international avec Savuka quelques années plus tard. Les apparitions du groupe en Grande-Bretagne suscitent pourtant de nombreuses controverses. Le syndicat des musiciens anglais, la ß, prétextant un gel des relations commerciales et culturelles avec la république sud-africaine, refuse d'abord les autorisations nécessaires au groupe pour jouer en Angleterre. Elle revient finalement sur sa décision. Pour des raisons similaires, il a failli être écarté du Concert pour Mandela qui s'est déroulé au stade de Wembley en juin 1988pour le 70ème anniversaire du leader historique de l'A.N.C. Heureusement il était bien présent pour régaler les quelques centaines de millions de téléspectateurs !

 Depuis 1987, l’artiste poursuit une carrière solo accompagné par Juluka (ce qui signifie "nous nous sommes réveillés" en langue Zoulou). Il mélange alors volontairement des sons typiquement africains comme la guitare zaïroise de î et des influences empruntées au rock occidental. En trois albums, de "Third World Child" à "Cruel Crazy Beautiful World", Johnny Clegg a rendu populaire et positive l'idée de l'anti-apartheid. A Abidjan, il participe à la tournée mondiale pour Amnesty, aux côtés de Bruce Springsteen, de Sting, de Peter Gabriel, de Youssou'n Dour et de Tracy Chapman. Il joue même aux Etats-Unis avec George Michael ! Enregistré à Los Angeles, le troisiäme album de Johnny Clegg & Savuka aété interrompu deux reprises. Par le mariage du chanteur en Afrique du Sud selon les rites Zoulou tout d'abord mais aussi par l'assassinat de David Webster, professeur à l'université où Clegg enseignait et véritable mentor de celui-ci. A côté de textes politiques comme "Revolution With A Smile" (sur les changements politiques sans recours à la violence réclamés par les pays de l'Est ou les étudiants chinois) ou pacifistes comme "Bombs Away" par exemple, Johnny Clegg se consacre aussi à des chansons à des sujets plus plaisants. Entièrement chanté en Zoulou, "Moliva" traite ainsi du mariage tribal. 

Bien évidemment avec l’amorce du processus démocratique en Afrique du Sud et la libération de Nelson Mandela en février 1990, l’inspiration du chanteur prend une coloration plus mondialiste. Avant de nous quitter en juillet 2019, il enregistrera encore une poignée d’albums dont "The Spirit Is Journey" qui célèbre ses 30 ans de carrière en 2010.

(Stéphane Soupart - Photo : © Etienne Tordoir)

Photo : Johnny Clegg avec son groupe Savuka sur la scène de Forest-National à Bruxelles (Belgique) en mai 1987