Tagtik

TAGTIK NEWS - ALLONS A L'ESSENTIEL

Né un 29 avril : Toots Thielemans, l’harmoniciste le plus célèbre du monde

parStéphane Soupart
|
29 Apr 2025 09h30
Toots Thielemans
© Etienne Tordoir

Il a vu le jour en 1922 dans le quartier populaire des Marolles à Bruxelles (Belgique). Son "Bluesette" fait toujours chavirer les coeurs…

Pour l’anniversaire du Belge le plus apprécié aux quatre continents (avec Tintin sans doute) qui aurait fêté ses 103 printemps aujourd'hui, j’ai exhumé de mes archives quelques souvenirs d’une escapade new-yorkaise à l'aube des années 2000. Une fois n’est pas coutume ! La Grosse Pomme était d’ailleurs son autre ville de coeur...

Depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le musicien bruxellois a popularisé l’harmonica, un instrument à peine mieux considéré que le triangle…

En quittant son appartement de la 69ème Rue pour rejoindre le légendaire club de jazz "Blue Note" où il a élu domicile pour deux représentations nocturnes pendant une semaine, Toots Thielemans ne s’attendait pas à cette rencontre incongrue. Lorsqu’il grimpe dans le taxi jaune pour descendre dans le Village, haut lieu de la nuit et de toutes les musiques, il se concentre déjà sur les deux prestations qui l’attendent, la première à 21h et la seconde juste avant minuit. "Le premier soir au Blue Note, je suis toujours envahi par le trac. J’ai peur de ne pas être à la hauteur !" me confie-t-il. En jetant un coup d’œil dans le rétroviseur, le chauffeur de taxi lui-même musicien amateur a de suite reconnu son musicien favori. " 

"My God, Toots Thielemans is sitting in my cab !" s'enthousiasme-t-il. Angelo n’en croit pas ses yeux. Invité pour le dernier concert de Toots à Manhattan, il embrasse le plus connu des citoyens des Marolles avant de le suivre dans la minuscule salle mythique. Dans la pénombre, ses yeux brillent lorsque Toots, juché sur un haut tabouret, enchaîne son éternelle "Bluesette" aux classiques de la bossa brésilienne en passant par le générique de "Macadam Cowboy". Aux Etats-Unis, les jeunes adultes nourris par la série télévisée "Sesame Street" (dont Toots interprète le thème) comme les icônes du jazz (au premier rang desquel son ami Quincy Jones) connaissent et apprécient le charme comme la simplicité de Toots Thielemans. Ce grand-papa idéal génère un énorme capital de sympathie et une admiration sincère.

Avant lui, l’harmonica était confiné dans un rôle de pleureuse pour les rengaines folk traditionnelles ou d’additif vitaminé pour le blues. L’enfant des Marolles adopté par l’Oncle Sam a réussi un tour de passe-passe. Grâce à lui, par son jeu subtilement coloré, l’harmonica chromatique n’a jamais aussi bien porté son nom. Depuis belle lurette, le grand manitou Quincy Jones, producteur notamment des meilleurs disques de Michael Jackson mais également musicien lui-même, considère Toots comme son artiste favori. Tous genres confondus. Devant les guitaristes les plus chevronnés et les virtuoses du piano. Cette admiration inconditionnelle a toujours un gêné Toots autant qu’elle le fait rosir de plaisir. "Est-ce bien nécessaire de le rappeler" se contente-t-il de murmurer laconiquement. 

 Avant que la profession entière reconnaisse son talent, Toots a longtemps  ferraillé pour se tailler une place au soleil. Dans les années 30, il découvre cet instrument aux sonorités inhabituelles au cinéma, en s’extasiant sur les films dans lesquels Larry Adler joue. Une maladie chronique des bronches l’oblige à délaisser l’harmonica pour tâter de la guitare. Une fois encore, cet auto-didacte à l’oreille exceptionnelle apprend toutes les ficelles du métier en décortiquant les premiers enregistrements de Django Reinhardt. Quelques années plus tard, il décide de continuer à caresser les cordes de sa guitare tout en embrassant à nouveau son instrument fétiche avec gourmandise. "A l’époque, je considérais que j’avais fait le tour de ce qui était possible pour moi en Europe. Sur un coup de tête, sans trop réfléchir au lendemain, je me suis donc embarqué pour les Etats-Unis. J’avais déjà 29 ans et j’ai décidé de tout recommencer à zéro. J’étais persuadé de posséder les qualités requises pour être accepté mais je savais aussi que personne ne me déroulerait le tapis rouge. Les premiers mois ont été particulièrement difficiles. Avant de pouvoir exercer mes talents de musiciens, je devais d’abord séjourner pendant six mois sur le territoire et démontrer ma volonté de devenir citoyen américain. Comme beaucoup de nouveaux arrivants, j’ai donc vécu d’expédients et de petits boulots dans les restaurants. Mais, comme dit la chanson, je ne regrette rien".

  Toots nous a quitté le 22 août 2016 et j garde bien au chaud quelques-unes des autres anecdotes qu’il aimait distiller pour une prochaine occasion.

(Stéphane Soupart - Photo : © Etienne Tordoir)

Photo : Toots Thielemans dans son appartement new-yorkais de la 69ème Rue en juin 2000