Né un 23 août: Steven Brown (Tuxedomoon), voix des ténèbres mais aussi de la lumière

Il a vu le jour à Chicago en 1952 et a beaucoup bourlingué tant musicalement que physiquement 

C’est à San Francisco, dans les années 70, qu’il forge les prémisses de sa trajectoire musicale. Étudiant en musique électronique au City College de la ville (une rareté à l’époque), il y rencontre Blaine L. Reininger. Ensembles, ils fondent Tuxedomoon en 1977, un projet résolument arty et souvent un peu abrupt.  

Rapidement épaulé par d’autres artistes comme Peter Principle, Winston Tong ou Bruce Geduldig,  le duo se métamorphose en collectif qui insaisissable se permettant toutes les audaces mélodiques. Sur une scène post-punk, ils détonnent en utilisant des instruments atypiques comme la clarinette, le saxophone, le violon électronique cher à Steven) et bien sûr des synthétiseurs. L’absence de batterie et l’aspect "cabaret no-wave" de leurs prestations -qu'on hésite à qualifier de concert- marquent les esprits mais, devant l’accueil pour le moins mitigé du public américain,  ils déménagent très vite en Europe s’installant d’abord Rotterdam puis Bruxelles qui devient leur quartier général. Sur ce terreau artistique plus réceptif. ils sèment leurs expérimentations à tous vents. 

D’abord chez Ralph Records (le même label que The Residents) puis, en Belgique, chez Les Disques du Crépuscule et Crammed Discs.  Tuxedomoon publie alors des albums phares comme "Half-Mute" (1980) et "Desire" (1981) puis "Ship Of Fools" (1986).  Sans vraiment le rechercher, ils enregistrent même quelques titres qui auraient pu devenir des hits planétaires comme "In A Matter Of Speaking" avec la voix caractéristique de feu Winston Tong.

Leur répertoire devient résolument expérimental et mêle alors autour de leur architecture post-punk de base, une dose de minimalisme, un soupçon de jazz, des emprunts à la musique classique et même des influences tziganes. 

Steven Brown entame également une carrière solo dès le début des années 80 avec des albums comme "Music for Solo" Piano et "Zero Story", tous deux publiés en 1984 dans des genres diamétralement différents. Cette liberté de ton et ce plaisir de toucher à tout est d’ailleurs ce qui caractérise le mieux la trajectoire de Steven.  Il collabore ainsi avec Benjamin Lew, écrit des partitions pour le théâtre, la danse (notamment les ballets Maurice Béjart) et le cinéma. Il ose même chanter en italien pour  "Brown Plays Tenco" (1988). L’artiste est à la fois insaisissable et inclassable. C’est précisément ce qu'il recherche…

En 1993, lassé de Bruxelles, il s'installe au Mexique d’abord dans la capitale puis à Oaxaca. Il y construit une maison et, dans ce cadre bohème, il multiplie les recherches sonores avec des des formations plus pérennes comme Nine Rain (sept albums), ou plus éphémères comme Ensamble Kafka et Cinema Domingo Orchestra. Ce diable d’homme n’arrête jamais et participe tout naturellement à la reformation de Tuxedomoon en 2004 avec l’album "Cabin In The Sky". Désormais attiré par la langue espagnole, il publie en solo "El Hombre Invisible" (2022), un opus introspectif mêlant piano, saxophone, voix, et des arrangements sombres inspirés de sa vie au Mexique. Il y évoque des expériences marquantes comme les séismes, l’engagement zapatiste ou la colonisation.

(Stéphane Soupart - Photo :  Etienne Tordoir)Photo : Portrait de Steven Brown sur la Grand Place de Bruxelles (Belgique) le14 juin 1986